Pérégrinations en 7 vins, à New York et au-delà par Robin Wright, Ci Siamo (New York, USA) - Illustration Marie Pellet

[ VINS ]

Pérégrinations en 7 vins, à New York et au-delà.

par Robin Wright, Ci Siamo, New York, USA

Il ne manque pas d’endroits pour déguster des vins italiens à New York mais la carte chez Ci Siamo, dépasse toutes les attentes. Situé près des buildings du Hudson Yards à Manhattan, le restaurant propose des références à souhait, des Barolo puissants aux cuvées italiennes moins connues en passant même par quelques Champagnes cultes.

 

La cave particulièrement bien garnie est l’œuvre de Robin Wright, qui a fait ses armes au sein d’institutions gastronomiques telles que Daniel et The NoMad. « Je me suis installée à New York il y a dix ans depuis la Floride où j’ai grandi », explique-t-elle. « Je me suis immédiatement rendu compte qu’il y a une culture phénoménale du bien boire à New York. On réfléchit vraiment à ce qu’on consomme et d’où proviennent les produits qu’on consomme ».

 

Robin Wright prône une approche à l’égard du vin qui est à la fois experte et inclusive. La carte des vins chez Ci Siamo fait ainsi la part belle à la fois aux vins accessibles et aux cuvées destinées aux initiés. Son parcours l’a amené aussi bien à des bars à vins en plein centre de Manhattan que dans ses salles de restaurants gastronomiques les plus huppés, avec pour guides les plus grands producteurs d’Italie et d’Allemagne, pour ne citer qu’eux.

 

Elle nous dévoile ici les sept vins qui ont jalonné son voyage depuis la Floride à New York et au-delà.

01.

Riesling Egon Müller (tout millésime)

 

« Lorsque j’ai débuté mes études au sein de l’Association américaine de la Sommellerie, mon mentor, Andrew Bell, qui est très vielle école, m’a dit : « Si tu veux devenir sommelière, tu devrais travailler dans un restaurant étoilé Michelin ». J’ai repéré Aureole sur la 42ème rue. J’ai rejoint l’établissement n’ayant jamais exercé le rôle de serveur du soir. En réalité, je n’avais jamais servi que des petits-déjeuners mais j’ai affirmé à tout le monde que je voulais devenir sommelière en l’espace de six mois. Je ne pensais pas vraiment que ce but allait se concrétiser ! Mais au bout de cinq mois je suis devenue cheffe de salle, et un mois plus tard une place s’est libérée au sein de l’équipe des sommeliers.

Parmi les premiers vins dont je suis tombée amoureuse, il y avait le riesling, notamment le riesling de la Moselle. Les notes de fruits à noyau, les arômes, les touches pétrolées, l’acidité débordante. Je suis devenue folle amoureuse de blancs à forte acidité. J’avais toujours comme objectif de proposer du riesling de chez Egon Müller. C’est tellement bien qu’ils n’élaborent que des vins doux. Même lorsqu’ils sont incroyablement doux, ce sont des vins dont l’acidité vous épate à fond. Je ne pourrai pas citer un millésime en particulier, simplement que j’adore l’acidité conjuguée à la douceur et une certaine minéralité nerveuse qui les caractérise. D’une certaine façon, les vins d’Egon Müller sont curieux, ils sont désaltérants et tellement délicieux ».

 

02.

Domaine de la Romanée-Conti Romanée Saint-Vivant 2001

 

« Voici la première bouteille que j’ai vendue du Domaine de la Romanée-Conti. J’ai encore cette même bouteille, tant le moment était grandiose. Ce type est venu manger seul au restaurant Daniel et en fait c’est toujours l’un de mes clients réguliers, il vient tout le temps. Il est venu seul et le sommelier plus expérimenté ne travaillait pas ce jour-là. J’étais encore une vraie débutante. Il m’a commandé ce vin et je me disais, « oh mon dieu, je viens de vendre un Romanée-Saint-Vivant ! » Cela m’a passionné.

Les sommeliers deviennent obsédés à l’idée de vendre des bouteilles de vins très chers, et puis on se rend compte qu’on n’est pas obligé de dépenser autant à titre personnel pour pouvoir se faire plaisir avec un vin exceptionnel. Toujours est-il que c’est amusant de vendre une bouteille qui coûte deux mille dollars. Cela vous passionne et vous pousse à vouloir en savoir plus ».

 

03.

Domaine de la Romanée Conti La Tâche Grand Cru 1985

 

« J’ai vendu cette bouteille à Jeff Bezos. Il est venu à The NoMad et m’a dit : « Je cherche une belle bouteille pour accompagner le poulet [le plat qui a fait la renommée du restaurant était un poulet rôti que les serveurs finissaient de préparer à table]. La femme qui l’accompagnait ne voulait pas consommer la bouteille toute entière, donc je lui ai dit qu’il pouvait l’emporter chez lui. Il a dit, « Ah super ! Auquel cas, qu’est-ce vous recommanderiez avec le poulet rôti ? » Voici l’un des hommes les plus riches du monde. Alors, je lui ai dit : « Eh bien, vous voulez ce qu’il y a de mieux ? » Et il m’a dit, « Montrez-moi ce que vous avez de mieux ».

J’ai tourné les pages jusqu’à arriver à celle du Domaine de la Romanée Conti, je lui ai montré La Tâche 1985 du doigt et je lui ai dit : « Vous devriez choisir ce vin-là ». Et il disait, du genre, « D’accord ». J’étais vraiment aux anges. Je lui avais vraiment vendu ce vin. Quelqu’un vous demande votre avis et vous dîtes, « Alors, cette bouteille de vin à 9 000$ ? Vous devriez choisir celle-là pour boire avec votre poulet. C’est une très belle alliance ». C’était tellement typique de New York.

 

04.

Emidio Pepe Trebbiano d’Abruzzo 2004

 

« Parmi les choses que j’ai aimés quand je travaillais à The NoMad, c’était le fait que Thomas [Pastuszak, le chef sommelier exécutif de The NoMad] proposait énormément de vins relativement abordables et accessibles. Toutes les références provenaient de toutes petites familles, et de jeunes œnologues qui sortaient des sentiers battus dans leur région et élaboraient de très jolis vins humbles. Cela m’a énormément plu.

Lorsque j’ai commencé à préparer la carte des vins chez Ci Siamo, j’ai découvert que l’Italie regorgeait de ce profil de vins. Emidio Pepe, que nous proposons à la carte en ce moment, en est une belle illustration. C’est magnifique. Ce que j’aime avec les vins italiens c’est que, même quand ils sont chers, ils semblent accessibles. C’est tellement facile d’aimer ce vin, et il est absolument sublime ».

 

05.

Montenidoli Vernaccia di San Gimignano Tradizionale 2020

 

« Elisabetta [Fagiuoli, propriétaire de Montenidoli] produit des vernaccia merveilleux. Elle s’est installée en Toscane dans les années 1960 depuis Vérone. Elle n’était même pas issue de la Toscane, mais elle y est allée et a commencé à faire du vin. Du haut de ses 80 et quelques années, elle est encore pleine de vie. Elle élabore de très beaux vernaccia et sangiovese, et elle cultive des liens très forts avec son terroir.

Elle est venue à Ci Siamo et a tout de suite compris notre philosophie. Elle y a organisé un dîner et elle s’est saoulée ! Elle me serrait dans ses bras et elle serrait le chef cuisinier dans ses bras, et tout le personnel. C’est vraiment une très belle personne. C’est le genre de vigneronne qui m’inspire ».

 

06.

Ar.Pe.Pe Buon Cosiglio Grumello Valtellina Superiore Riserva 2009

 

« Il est très facile de tomber amoureux des Italiens et de leurs vins. Il y a tant de gros producteurs et de coopératives à Valtellina qui font parfois de l’ombre aux plus petits producteurs. Mais pour moi, Ar.Pe.Pe sort du lot, élaborant des vins les plus qualitatifs et sublimes. Isabella, la vigneronne qui représente la cinquième génération à Ar.Pe.Pe, est tellement adorable et mignonne, l’ange la plus douce de Valtellina. Le peuple italien vous inspire vraiment à déguster tous ses vins ».

 

07.

Dislivelli Rosso di Valtellina 2021

 

« Je suis obnubilée par ce Rosso di Valtellina. C’est une expression tellement aérienne du nebbiolo. C’est incroyable parce que, lorsque vous comparez un nebbiolo de Barolo ou Barbaresco à celui de Valtellina, les vins sont totalement différents. J’ai un vrai faible pour la version de Valtellina. J’aime celle de Barolo aussi, mais ce que je trouve fascinant c’est la manière dont le cépage s’exprime de façon si différente lorsqu’il est élaboré par des producteurs différents. Selon son terroir et qui l’élabore, le cépage peut devenir plus aromatique, voire « pinoter » un peu. J’espère visiter Valtellina en juillet 2023 et je veux rendre visite à ces producteurs. C’est dire à quel point j’aime ces vins, et que j’aime ceux qui les font ».

 

Article - Emily Saladino

Emily Saladino est auteure, rédactrice et conceptrice de recettes basée à New York. Après avoir occupé les postes de rédactrice-en-chef numérique au sein du Wine Enthusiast puis rédactrice-en-chef chez VinePair, elle œuvre actuellement en tant que grand reporter du Wine Enthusiast pour lequel elle rédige des articles et des commentaires de dégustation sur les vins de Grèce et de Géorgie. Elle signe aussi des articles dans des supports tels que Bon Appetit, The Washington Post, Bloomberg et Food & Wine. Ancien chef cuisinier professionnel et barmaid, elle est titulaire d’une licence d’arts culinaires du French Culinary Institute et d’une certification niveau II du Wine & Spirit Education Trust. Elle est membre du Circle of Wine Writers et des Dames d’Escoffier.

 

Illustration - Marie Pellet

Marie Pellet est illustratrice et maquettiste basée à Paris. Elle peint à la gouache ou compose sur support digital et réalise également des créations en céramique. Elle aime dessiner les femmes, la nature, les animaux, la végétation, mais aussi les objets du quotidien qu’elle aime rendre singulier à travers l’infinie variété des couleurs et la composition. Marie revendique un style volontiers naïf, intemporel, un regard enfantin sur toutes choses qui permet d’éclairer d’un œil neuf tout ce qui nous entoure.

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